dimanche 13 septembre 2015

Site Web Quidam éditeur



Chers amis,

Les éditions Quidam viennent de renouveler complètement leur site web avec un très beau résultat à mon avis.

Je vous invite à découvrir ce site ainsi que la page qui présente mon premier roman, La Vie pétrifiée, paru à la rentrée de 2008.




jeudi 9 juillet 2015

L'aventure continue

Chers amis,

J’ai le plaisir de vous informer que je fais partie des lauréats de la Résidence de la Villa Marguerite Yourcenar 2016 ainsi que de celle de la Fondation des Treilles 2016. Je suis très content et j’ai hâte de réaliser le projet soutenu par ces deux prix !

http://www.les-treilles.com/

http://www.m-e-l.fr/fiche-residence.php?id=3

dimanche 28 juin 2015

Les yeux de Julien (extrait d'un manuscrit)



Des yeux bleus très clairs sous un front bien apparent – ce sont les yeux de Julien. Après mon entretien téléphonique avec mes beaux-parents nous sommes descendus au bar d’en bas boire un coca. Les ombres des pigeons effleurent le temps d’une seconde le sol courbé de la chaussée. Des particules microscopiques dansent dans les verres. Julien lève le regard.

« Tu es un garçon formidable », lui dis-je, et il dévie aussitôt ses yeux de mon visage. Une vague d’émotions m’envahit et je lui dis : « tu veux pas… tu sais, je t’ai toujours aimé, inconditionnellement. »
« Ça veut dire quoi ? »
« Absolument. Dans toutes les circonstances. Sans jamais soumettre mon amour à une condition. »

Il esquisse une moue crispée de la bouche, le regard dévie encore.

« Dès la première seconde je t’ai inconditionnellement aimé, de tout mon cœur. J’avais tellement souhaité que tu sois complet. Que rien ne te manque. Quand l’infirmière t’a sorti de la salle d’accouchement et t’a allongé devant moi sur une petite table, je t’ai examiné de haut en bas, les pleurs dans la gorge. J’ai tout vérifié, ta bouche, les oreilles, tes petites mains, ton zizi, ton nez, tout, tout. J’étais tellement obsédé par ce seul désir : que tu sois complet. Que rien ne te manque. »
« Qu’est-ce que tu racontes, papa ? »
« Tu ressembles un peu à Ronaldo, tu ne trouves pas ? »
« Qu’est-ce que tu veux me dire ? »
« Pas le Portugais, l’autre. On parle un peu moins de lui maintenant. Mais c’est vrai, tu lui ressembles. C’était l’un des meilleurs. Tu ne voudrais pas faire du foot ? »
« J’aime pas. »
« Tu pourrais essayer. Je t’inscris dans un club. Aux premières séances d’entraînement je t’accompagne. »
« J’aime pas, je te dis. C’est pas mon truc. »
« Essaye au moins. Parfois, quand on essaye, l’envie vient et tout change. »
« Quoi encore ? »
« Ou de la boxe ? »

Il a vidé son verre, s’est levé d’un geste abrupt.

« Attends. J’ai encore quelque chose à te dire. »
« Quoi ? »
« Tu vas passer quelques jours chez tes grands-parents. Ils t’attendent déjà. »

Max T. (extrait d'un manuscrit)



Sur ma boîte aux lettres, un autre nom était affiché. J’ai pris l’ascenseur et suis monté à l’appartement. J’ai sonné. Un enfant m’a ouvert. Il s’est éloigné en courant en m’apercevant à travers la fente de la porte. Puis un homme à la tête carrée et aux cheveux noirs est apparu. J’ai demandé si un certain Monsieur Max T. habitait ici. Il a répondu qu’il habitait lui-même cet appartement depuis un peu plus d’un an et qu’il ne connaissait pas cette personne. Il avait néanmoins reçu régulièrement du courrier à ce nom-là pendant quelques mois depuis son installation. L’inconnu a voulu savoir pourquoi je me renseignais sur Max T. et qui j’étais.

« Un ami, ai-je répondu. Je suis un ami de Max T. Je ne l’ai pas vu depuis un certain temps. Il habitait ici autrefois. »

L’homme a répété qu’il avait acquis cet appartement il y a un an environ et qu’il n’avait aucune information sur les anciens locataires. Il a voulu savoir si j’avais l’intention de poursuivre ma recherche.
« Absolument. Je suis résolu à retrouver Max T. »
« Si vous êtes certain de le retrouver, je veux bien vous confier son courrier, a dit l’homme. Je m’en débarrasserais volontiers. »
« Je peux vous accompagner dans l’appartement ? » ai-je dit.

Il s’est arrêté et m’a dévisagé d’un air perplexe.

« J’ai souvent fréquenté ce lieu dans le passé », ai-je expliqué. « Max était un bon ami. Je voudrais revoir ces lieux auxquels j’étais très attaché. »
« Tout a changé », objecta l’inconnu.
« Justement. Je veux dire : tout de même. Je voudrais tout de même les voir pendant un instant. »
« Entrez alors. »
« Pardon. Puis-je demander votre aide ? Juste pour franchir le seuil. »

L’homme s’est incliné, a saisi les accoudoirs et m’a aidé à introduire le fauteuil dans l’appartement.

« Nous avons tout refait, a repris l’homme. Vous ne reconnaîtrez rien. Nous avons même rasé certains murs, construit d’autres. À son état d’origine, l’appartement était mal coupé pour nos besoins. Pas facile d’obtenir les autorisations de démolition d’ailleurs. Ni de trouver des ouvriers compétents. Mais avec quatre enfants… Vous avez des enfants, vous ? »
« Un fils. »
« Moi un fils et trois gamines. C’est pas pareil, je vous assure. Un seul enfant vous le mettez dans votre poche pour ainsi dire, mais quatre… Voici le courrier. Ce Max T. semble avoir pas mal d’ennuis avec la justice et les autorités. »

Tout avait changé. La partie centrale de l’appartement était transformée en loft, un grand espace unique. Les murs étaient entièrement blancs. Il n’y avait pas une seule toile, seulement un grand écran plasma. J’ai essayé de repérer l’endroit où était installé mon bureau. Cet endroit où mon index avait, il y a deux ans de là, si bizarrement flotté dans le vide à la place de se poser sur un bouton. Mais aujourd’hui encore j’étais nulle part et pourtant chez moi. Je l’ai constaté avec calme. Ce lieu que je cherchais du regard n’existait plus.

« Un café ? », a dit l’homme.
« Je ne veux pas abuser de votre générosité. »
« Vous arrivez à reconnaître les lieux alors ? Ça ne doit pas être facile. Tout a changé. »
« Vous l’avez déjà dit. »

« Vous appréciez les murs blancs ? » ai-je poursuivi au bout d’un moment.
« On a failli mettre un petit tableau, mais on s’est dit qu’une fois la toile mise on ne la détache plus ; du coup, on l’a mise à la cave. »

Je n’ai pas répondu.

« On s’est dit aussi qu’en ne mettant pas de toile au moins on ne peut pas se tromper. Dites-moi : vous avez une idée où il est, votre ami ? »
« Pas précisément. Mais il ne peut pas être très loin. Il n’a jamais beaucoup bougé. »
« Quelle est sa profession ? Si ce n’est pas trop indiscret. »

J’ai haussé les épaules.

« Vous ne le savez pas ? »
« Pourquoi ça vous intéresse ? »
« Je suis un grand fan de polars. Et de mystères. Un homme qui disparaît, un autre qui lui rend visite. Et ça chez moi, dans mon appartement. C’est excitant. Parfois moi aussi je voudrais… »
« Faites-le. »
« Quoi ? »
« Disparaître. »
« Comment vous le savez ? »
« Qu’est-ce que je sais ? »
« Que je voudrais parfois… »
« Vous venez de le dire. »
« Mais non. Je n’ai rien dit. »

J’ai jeté un coup d’œil distrait sur mon courrier sans poursuivre la conversation.

« Rien. Je vous assure. Je n’ai rien dit », a repris l’inconnu.
« Vous avez dit que vous aussi vous aimeriez le faire. »
« Oui. Mais quoi ? Quoi ? »
« Disparaître. »

L’homme a reculé d’un pas en me fixant des yeux.

« Vous aussi vous aimez les polars et les mystères, pas vrai ? »
« Vous vous trompez. J’aime la vérité. Les choses claires. »

Silence. L’homme m’a tendu une tasse de café.

« Vous ne savez vraiment pas ce qu’il fait, Max T. ? »
« Notaire peut-être. Ou vendeur de voitures. Je ne me souviens pas très bien. »
« Comment vous pouvez affirmer que vous êtes des amis alors ? »
« J’ai dit ça ? »
« Oui. »
« Vraiment ? »
« Oui, en entrant. »
« C’est vrai. Oui, on peut dire que nous étions des amis. Mais sans véritablement se connaître. Plutôt par circonstance. Par convention. »

J’ai feuilleté le courrier. Je tenais entre les mains une pile de lettres en provenance du Trésor Public, de divers huissiers de justice, des factures de gaz, d’électricité, de téléphone. Aucune lettre personnelle. J’en ai pris note avec indifférence.

« Vous n’étiez donc pas des amis ? »
« Qui ? »
« Vous et Max T. »
« On était, comment dire ? Comme des frères. Comme certains frères. Liés l’un à l’autre par les circonstances sans véritablement se connaître. »
« Pas facile de comprendre ce que vous dites. »
« Non. C’est simplement vrai. Ni plus ni moins. Je dois m’en aller. »
« Comment vous avez su pour moi alors ? »
« J’ai simplement terminé votre phrase. »
« Terminé ma phrase… »
« Votre parole était là, monsieur, sans être prononcée. »
« Sans être prononcée... »
« Elle s’est précédée elle-même avant d’être articulée. »

L’inconnu a fait deux pas vers moi en me fixant d’un regard fiévreux.

« Vous seriez prêt à poursuivre notre conversation un autre jour ? a-t-il dit. Je sens que vous avez des choses intéressantes à me dire. »
« Je les ai déjà dites. »
« Quoi ? »
« Faites-le. »
« Quoi ? »
« Disparaître. »