mercredi 6 octobre 2010

D'actualité I

On bombarda le palais présidentiel de La Monéda et quand le bombardement cessa le président se suicida et ce fut tout. Les jours qui suivirent furent étranges, c'était comme si soudainement nous avions tous été jetés d'un rêve dans la vie réelle, même si parfois l'impression était exactement inverse, comme si d'un coup nous nous étions tous mis à rêver. Et notre vie quotidienne se déroula selon ces paramètres anormaux : dans les rêves tout peut arriver et nous acceptons que tout arrive. Les mouvements sont différents. Nous nous déplaçons comme des gazelles, ou comme le tigre rêve que les gazelles se déplacent. Nous nous déplaçons comme une peinture de Vasarely. Nous nous déplaçons comme si nous n'avions pas d'ombre et comme si ce fait atroce n'avait pas d'importance pour nous. Nous parlons. Nous mangeons. Mais en réalité nous essayons de ne pas penser que nous parlons, de ne pas penser que nous mangeons.

Roberto Bolano dans Nocturne du Chili