Les comas simulés chez les individus sans papiers, c’est autre chose. Ils se savent au bord de l’expulsion, et ils s’attachent désespérément à cette dernière chance. C’est pourquoi ils sont réfractaires à la parole et aux gestes de compassion et il faut d’autres moyens pour les réveiller. C’est-à-dire, des moyens plus durs. Evidemment ce jour-là, j’avais affaire à un coma simulé de ce type.
Au début, j’avais pitié d’eux. Mais j’ai pris l’habitude. Et j’ai fini par me dire que je ne faisais qu’appliquer la loi et que ce n’était pas moi qui la faisais. Mais ces pauvres types qui croient désespérément à leur dernière chance m’ont souvent fait penser aux victimes des incendies d’immeubles qui se jettent dans le vide pour échapper aux flammes. Comme eux, les sans-papiers se jettent dans le coma simulé pour échapper à l’expulsion, mais cela n'aboutit à rien.
On est un peu mal à l’aise à l'idée de confier aux policiers, sans la réveiller, une personne qui ne bouge pas et qui respire à peine. En quelque sorte, on a besoin d’une ultime preuve. Alors on la réveille. La plupart du temps, je délègue la tâche de réveiller les comas simulés à Ingrid, l’infirmière la plus ancienne et la plus expérimentée. Elle y parvient en leur enfonçant un tuyau dans la gorge. Se faire enfoncer un tuyau dans la gorge est une torture insoutenable et un être humain en état éveillé ne peut réagir autrement qu’en saisissant le tuyau pour l’arracher de sa gorge. C’est comme un réflexe. Donc ce jour-là aussi, il a saisi le tuyau mais Ingrid l’avait déjà propulsé jusque dans l’estomac, et c’est pourquoi, au moment où le tuyau s'est précipité hors de la bouche, un liquide vert foncé, d’une odeur aigre et très intense, a jailli du tuyau et a été projeté contre les murs tout autour et contre mes collègues. J’ai ensuite établi le certificat. J’ai coché la case « compatible » et j’ai effacé l’autre. J’ai livré le sans-papiers à la police. Ils l’ont traîné à travers la cour puis l’ont poussé dans leur voiture.
Au début, j’avais pitié d’eux. Mais j’ai pris l’habitude. Et j’ai fini par me dire que je ne faisais qu’appliquer la loi et que ce n’était pas moi qui la faisais. Mais ces pauvres types qui croient désespérément à leur dernière chance m’ont souvent fait penser aux victimes des incendies d’immeubles qui se jettent dans le vide pour échapper aux flammes. Comme eux, les sans-papiers se jettent dans le coma simulé pour échapper à l’expulsion, mais cela n'aboutit à rien.
On est un peu mal à l’aise à l'idée de confier aux policiers, sans la réveiller, une personne qui ne bouge pas et qui respire à peine. En quelque sorte, on a besoin d’une ultime preuve. Alors on la réveille. La plupart du temps, je délègue la tâche de réveiller les comas simulés à Ingrid, l’infirmière la plus ancienne et la plus expérimentée. Elle y parvient en leur enfonçant un tuyau dans la gorge. Se faire enfoncer un tuyau dans la gorge est une torture insoutenable et un être humain en état éveillé ne peut réagir autrement qu’en saisissant le tuyau pour l’arracher de sa gorge. C’est comme un réflexe. Donc ce jour-là aussi, il a saisi le tuyau mais Ingrid l’avait déjà propulsé jusque dans l’estomac, et c’est pourquoi, au moment où le tuyau s'est précipité hors de la bouche, un liquide vert foncé, d’une odeur aigre et très intense, a jailli du tuyau et a été projeté contre les murs tout autour et contre mes collègues. J’ai ensuite établi le certificat. J’ai coché la case « compatible » et j’ai effacé l’autre. J’ai livré le sans-papiers à la police. Ils l’ont traîné à travers la cour puis l’ont poussé dans leur voiture.
Extrait La Vie pétrifiée (Nils Trede), Quidam Editeur
1 commentaire:
Je reconnais cet extrait de ton roman La vie pétrifiée ! J'aime beaucoup d'ailleurs cette partie du livre sur le choix de Xavier de fermer les yeux sur ce qu'il fait (tout en se sentant mal en le faisant)...
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